Au-delà des hauts-le-coeur suscités par une telle barbarie, le drame de Toulouse a soulevé bien des interrogations. Et souligné de façon éclatante la responsabilité de nos gouvernants depuis dix ans, quoi qu’ils veulent bien dire. Evidemment, il était facile pour le Président de la République de se présenter en héraut de l’antiterrorisme avec, comme d’habitude, des déclarations péremptoires et incantatoires, et une posture qui se voulait respectable.
Mais de quelle union nationale parlait-il ? Chacun est à même de ressentir ce que peut provoquer en lui un événement de cette nature sans qu’il faille s’immiscer dans ses ressentiments et sa sensibilité, en lui demandant de participer à une theâtralisation destinée aux médias avec des fortes et nauséabondes arrière-pensées électoralistes. Chacun sait partager sa douleur et sa compassion quand il faut, comme il le faut, sans que l’on fasse de la mort de plusieurs enfants un enjeu national. Respecter le deuil, ce n’est pas parader dans son costume de chef d’Etat ou de ministre en faisant croire qu’on va régler les problèmes sans coup férir alors qu’on a tout fait de travers durant dix ans. Ce n’est pas s’exprimer pour glorifier les forces de l’ordre alors même que des centaines d’hommes professionnels et super entraînés mettront une journée et demie à maîtriser un homme seul et dont la lutte armée n’est pas le métier.
Respecter le deuil, c’eût été se taire jusqu’à ce que cette affaire se termine et ne s’exprimer ensuite que pour tirer les conséquences d’une politique inappropriée, en tirant les enseignements d’un comportement désastreux des autorités politiques et publiques qui n’a fait qu’attiser les colères et exacerber les haines.
De quelle union parlait-il ? Comment pouvait-on se ranger derrière un Président, un ministre de l’intérieur, des responsables de l’UMP et d’autres individus du même acabit qui ont eu de cesse de tenir des propos xénophobes, racistes, en remettant en cause en permanence les droits fondamentaux de l’homme, en parlant d’islamisme et de civilisation, en évoquant l’identité nationale, en ignorant les banlieues, en faisant la chasse aux sans-papiers (y compris aux enfants d’ailleurs sans que cela ne les émeuve outre-mesure !), en multipliant les contrôles au faciès, en laissant se dégrader la situation parmi les populations fragiles, en abandonn ant la solidarité, en n’ayant autre chose à la bouche que le discours de la performance et de la nation, en n’ayant d’autre manière de gérer la délinquance que par la création supplémentaire de place de prison ? Vous eussiez pensé que l’on pouvait se ranger pour se recueillir sur les cendres de la société fraternelle et humaine respectueuse des droits de l’homme et du citoyen avec ceux-là même qui ont allumé l’incendie et jeté de l’huile sur le feu ?
Ce triste fait divers, trop rapidement rebaptisé acte terroriste par les guerriers sécuritaire de la droite et de l’extrême droite, témoigne de l’état de déliquescence dans lequel ils ont mis ce pays. En montant les gens les uns contre les autres, les groupes sociaux les uns contre les autres, les communautés les unes contre les autres, en désignant des coupables et des bouc-émissaires, en divisant, en humiliant, en ignorant, en provoquant, et tout celà et à des fins politiciennes. Quand on est prêt à surfer sur l’émotion et l’abjection, en comptant sur le ralliement des racistes et des crétins notoires qui ne creusent jamais au-delà des discours et du simplisme, ceci pour relancer une campagne poussive, tout ce que l’on peut dire après perd de sa cohérence, de sa crédibilité, et surtout de sa sincérité.